Quand on est rentrés de Californie, on a été pris direct dans le feu de l’action. Le jet lag, les retrouvailles, des déménagements (au pluriel, s’il vous plaît), un mariage dont j’étais témoin, de nouvelles aventures professionnelles… On n’a pas vraiment eu le temps de s’ennuyer et c’était très appréciable.
On a retrouvé nos proches, les longs repas, la campagne française verte (couleur que l’on oublie en Californie !), les balades parmi les vieilles pierres, Paris. Il a fallu rattraper toutes ces bonnes choses qu’on n’avait pas vues, bues ou mangées depuis longtemps.
Beaucoup d’expatriés témoignent d’un vécu difficile à leur retour en France, de situations compliquées, voire kafkaïennes, vis-à-vis de l’administration. Sur ce dernier point, je m’étais préparée à affronter le pire. Peut-être à un point tel que j’ai trouvé nos démarches relativement easy.
A vrai dire, on revenait des Etats-Unis où il faut se débrouiller tout seul pour beaucoup de choses. Le système administratif américain n’est pas supra intuitif niveau paperasse (tax return, j’écris ton nom). J’avais expérimenté la recherche d’un job sans filet de protection. Et nos derniers mois en Californie, j’avais testé malgré moi le système de santé*.
C’était zenifiant de retrouver un système dont on connaît mieux les règles du jeu. Les choses sont plus fluides.
On a célébré nos retrouvailles avec tous nos meubles et cartons qui nous attendaient sagement depuis 2 ans. C’était étrange – presque même encombrant – de se retrouver tout d’un coup avec tous ces trucs à déballer qui ne nous avaient pas tellement manqué pendant tout ce temps.
On était partis de Paris. On a atterri à Bordeaux. Après avoir goûté à une vie tranquille et bucolique à Santa Cruz, cela nous a fait du bien de retrouver une ville plus dimensionnée, mais pas trop stressante non plus. On a l’océan et la campagne pas loin. Tout le Sud-Ouest à (re)découvrir, et ça, c’est chouette.
Cela peut paraître idiot. Mais on a dû recréer petit à petit les réflexes du quotidien. Les premières fois, j’étais littéralement perdue dans les supermarchés – surtout au rayon yaourts. L’éloignement de la nourriture française ne m’avait pas frustré tant que ça. On mangeait très bien en Californie où il y a une culture farm-to-table développée. Trader’s Joe (et son chunky guacamole) me convenait parfaitement.
Il a fallu faire le deuil du California burger de Jack’s, du coleslaw de la French Bakery, des sushis géants du Shogun et des pizzas addictives de Pizza My Heart (NB : que des adresses sympas à Santa Cruz). A terme, on se réhabitue toujours à tout. Mais au-delà de tous ces petits repères qui peuvent manquer, on sait que c’est tout un univers inimitable qu’on a laissé derrière nous.
Alors on se rappelle les souvenirs (et on se fait des brunchs de folie à l’américaine). Le plus cocasse, c’est que les Etats-Unis ne nous ont jamais paru aussi près de nous. A travers les médias, les films et les séries, c’est comme si on y était parfois encore. On continue de se balader à Venice Beach, et de rire à des blagues dont seuls les Américains ont le secret.
A notre retour en France, il a fallu du temps pour que les choses se mettent en place. Bien régulièrement, je me suis dit (et je me dis encore) : « c’était bien, la Californie ». C’est trop tentant, surtout les jours de pluie. De nombreux aspects de la vie qu’on avait commencé à construire là-bas étaient top. Et en revenant dans notre pays, on devait encore tout redémarrer.
Passées les 30 premières secondes de curiosité sur notre expérience de vie à l’étranger, on re-rentre rapidement dans une case. Finalement, tu es un Français parmi tant d’autres, qui vit en France, et revient dans son propre pays. Normal.
Dans le fond, tout est un chouïa plus confus que ça. On n’est plus l’expatrié en permanente découverte, on se remet culturellement à notre place. SAUF QUE l’on reste toujours dans l’assimilation de son expérience passée et le recalage à son propre pays. Cela ne se voit pas pour les autres. Ni même vraiment pour soi-même.
Pour rester zen, j’ai essayé de prendre le plus de recul possible et de lutter contre toute forme de nostalgie à tout va ou de rabâchage de « c’était mieux là-bas ». On ne compare pas des chocolatines à des donuts au sirop d’érable. La France et les USA sont deux pays trop différents. La Californie, c’est encore un endroit hyper spécifique en Amérique. Et c’est compliqué de comparer des environnements aux trames culturelles bien distinctes.
Dans l’absolu, on ne peut pas dire qu’un endroit est mieux que l’autre. Il n’y a pas de « bon endroit ». Il n’y a que des endroits où l’on vit des choses différentes. Une idée que l’on se fait d’un lieu est souvent conditionnée par les rencontres qu’on y fait et les expériences qu’on y a. Tout est donc hyper personnel et subjectif.
Pour autant, j’ai mis du temps à y voir plus clair, à savoir quel bilan dresser réellement, à voir dans quelle direction j’allais. Régulièrement, je me demandais : « mais est-ce que j’aime vraiment la France ? » Et c’est sans doute cela le plus gros défi d’un retour de l’étranger : gérer l’absurdité de devoir se réacclimater psychologiquement à son propre pays*.
Alors j’ai choisi de ne pas bousculer les idées. D’abord vivre les choses, laisser décanter, et puis faire le tri après. J’ai lambiné à faire le vrai bilan de notre expat’ car ça a été plus compliqué que je ne le pensais. Ordonner tout ça, c’était compliqué. Ca demandait de donner un ordre, un sens, une conclusion, alors que tout est composé de multiples nuances, d’angles subjectifs liés à notre expérience propre.
Le manque d’exotisme C’est ce que j’ai trouvé le plus bizarre et ardu à expérimenter. Je savais que la douceur de la vie californienne et les road trips dans les grands espaces allaient me manquer. J’ai même fait des adieux un peu trop poussés à notre jardin à Santa Cruz. En rentrant en France, je pensais capitaliser sur cet élan de deux années de curiosité. Mais en fait, tout est retombé comme un vieux accordéon cassé. Tout est redevenu plat, ordinaire, banal. Les stimulations « exotiques » n’étaient plus là. Que photographier ? Que raconter sur le blog ? Il m’a fallu du temps et (beaucoup trop) de réflexion pour retomber sur mes pattes.
La nostalgie de la positive attitude Là où aux Etats-Unis, une idée ou un nouveau projet vont être accueillis à bras ouverts ; en France, on a tendance à dégainer bien trop vite un regard perplexe et pas très encourageant. L’optimisme débordant des Américains m’a pas mal manqué, je dois l’avouer. Et j’ai essayé de rester le plus possible dans l’esprit enthousiaste californien pour ne pas me laisser atteindre par le défaitisme frenchie.
Au final, c’est quand même si ça avait été thérapeutique de faire ce gros bilan de notre aventure 😉 C’est comme si je tournais enfin vraiment une page. Pour moi, il était sans doute nécessaire de dépasser le cap des un an pour parler de notre expérience avec recul et clairvoyance. Cette dernière année, on s’est progressivement réacclimatés à la France, et ses charmes subtils. Ca a marché avec de la patience. Et des repères se sont réinstallés.
On cultive notre petit bout de Californie en nous, et on capitalise sur les choses positives acquises grâce à notre expérience là-bas. Si tout cela était à refaire, on le referait en bondissant à pieds joints. La découverte de l’Ouest américain a encore plus avivé nos envies de nature folle et de grands espaces insensés. On a hâte de nos prochaines explorations à l’étranger !
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