L’hiver, les plages de Gironde ont leur visage le plus brut. L’océan gronde, encore plus sauvage, derrière la forêt de pins noire et humide, les dunes mouvantes et fragiles. Les tempêtes font rage, les objets les plus étranges se déposent. Le littoral devient un grand champ de solitude. Beau, vaste, rectiligne. Presque digne d’un décor cataclysmique.
« L’eau est pleine de griffes. Le vent mord, le flot dévore ; la vague est une mâchoire. C’est à la fois de l’arrachement et de l’écrasement. L’océan a le même coup de patte que le lion. » Victor Hugo, Les travailleurs de la mer
Où sont passées les serviettes de bain à motifs ? Les parasols qui s’envolent ? L’odeur envoûtante de l’ambre solaire ? Un pot de beurre de cacahuète périmé en 2011 roule sur le rivage. L’océan mugit et écume. On n’entend que le bruit continu de ses rouleaux en chaîne. Ils m’ont toujours fait peur, ces rouleaux. Tu te fais piéger par l’un d’eux, tu passes à la machine à laver. Cycle essorage, 900 tours par minute.
Peu importe la saison, c’est toujours le même rituel qu’on retrouve avant d’arriver à la mer. Passer les pins. La lumière tamisée par les branches, les odeurs des pignes au sol, quelques champignons dans les aiguilles. Traverser les dunes en faisant attention à passer au bon endroit.
L’océan nous fait attendre. Section objets trouvés : un enfant a perdu ses lunettes de vue rouges. Elles l’attendent sur un pied de parasol rouillé – peut-être jusqu’à l’été prochain ? On déboule le long de la dune. Et puis, soudain… les voilà. L’océan et la plage. Tout nus, sans personne.
Tu marches sur la grève. Au loin, très loin, des silhouettes de promeneurs esseulés. Jusqu’où pourrait-on aller si on marchait sans fin ? Le printemps va bientôt battre son plein. Puis l’été.
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