Je suis une « baladeuse » invétérée. Je suis convaincue que le nomadisme est inscrit en nous : c’est un mythe que je développe après un trop long moment enfermée, qui me fait rêver errances et évasion. Je n’aime pas rester en vase clos (ou alors pas longtemps). Tu es comme ça toi ?
J’ai besoin de me balader souvent, de varier les endroits, de renouveler mes horizons. Dans mon top de balades à Bordeaux, le Parc Floral est en bonne position. C’est ma carte « je veux sortir prendre l’air / oui mais pas loin ».
C’est un lieu sans trop de poésie, mais atypique. Pour l’imaginer, plantez dans votre tête trois gros pylônes électriques, tendez des lignes haute tension et rajoutez en fond sonore le bruit blanc du périph’ (la Rocade). Rajoutez des fleurs, des cours d’eau, des oiseaux, des petits ponts japonisants. Et là, vous vous dites : dystopie – ce lieu n’existe pas. Si, depuis 1992.
Décrit comme ça, le décor n’invite pas à la détente. Et pourtant, en citadine que je suis, j’arrive à me convaincre que oui, de loin (bon de loin quand même), le Parc floral ressemble (vaguement) à la campagne. On peut y déjeuner sur l’herbe, courir dans les champs, guetter les insectes dans les pivoines. C’est bucolique, pastoral. J’y ai même fait un anniversaire sur l’herbe, c’était sympa.
Caché au nord de Bordeaux, derrière le stade Matmut-Atlantique, le Parc floral n’est jamais super fréquenté. Même quand il y a beaucoup de voitures sur le parking, tout le monde se dispatche sur la trentaine d’hectares. En semaine, il est quasi-désert. On prend le large. Cette dernière année, j’ai suivi son évolution au cours des saisons.
Le soleil s’est hissé haut dans le ciel. La lumière est franche, éclatante. Les roses et les pivoines, aussi. On est au tout début de l’été. Les couleurs sont encore saturées. L’herbe est plus verte que dorée. Je me cache à l’ombre des arbres. Je me protège dans le frais des eucalyptus. Ma fille roupille. Elle aime être ballotée en balade.
Le Parc floral a un air artificiel avec ses étangs bien rangés, ses ponts bien organisés. Tout Bordeaux Lac a été construit sur des marais asséchés*. Les lacs et la multitude de cours d’eau sont là pour drainer l’eau. Le milieu n’est pas vraiment naturel. Mais les fleurs, les arbres, les décors ajoutent une touche qui fait voyager l’esprit.
A l’entrée, des vaches bordelaises paissent, des poneys quêtent des caresses. Des pieds de vignes plantent un décor local. Les raisins ne sont pas récoltés et laissés au bon vouloir des oiseaux. Les pelouses sont couvertes de pâquerettes – et d’orchidées sauvages il paraît. Plus loin, un torrent artificiel, mais avec d’authentiques pierres des Pyrénées.
Les érables ressemblent à des boules de feu. Les tapis de feuilles s’épaississent. Je chasse les couleurs de l’automne, le Parc floral est idéal pour ça. Encore des roses, tellement d’érables. Je ramène deux-trois feuilles pour les faire sécher dans un livre. Pour garder un peu de leur rouge vif avec moi. Je les retrouve trois mois plus tard. En les touchant, elles se désagrègent. L’automne, c’est la saison des choses qui s’évanouissent.
Le Parc a été créé pour les floralies internationales de Bordeaux (en 1992, donc). 11 décors ont été construits pour faire un clin d’oeil à 11 villes avec lesquelles la ville est jumelée, dont Casablanca, Madrid, Québec, Fukuoka, Munich. Des fleurs habillaient le tout. Depuis, il a fallu faire des choix pour entretenir ce parc de 33 hectares.
Une feuille rouge est juchée sur le chemin. Fraîche et fière. On survit mieux dans la nature que dans un livre. Les arbres sont à nu. Il a plu. La Crapule gambade. Sa lecture de l’espace est sans censure. Elle part hors du chemin bien tracé, dans les tas de feuilles, les flaques, la gadoue. Elle se roule par terre. Rien n’est froid, ni boueux, ni mouillé. L’hiver ne lui fait pas peur. Aux trois fleurs qui bravent le gel, non plus.
J’aime bien son côté pas tiré à quatre épingles. Beaucoup de nostalgiques des floralies déplorent la splendeur perdue du parc. Avec 479 variétés de roses et une belle pivoineraie, je pense qu’on trouve encore son compte niveau flower power. Le jardin japonais et les mosaïques mauresques sont chouettes à voir.
Entre deux averses, les arbustes brillent et s’égouttent. Les bourgeons ont pointé leurs nez. Les rosiers ont été taillés. La nature est prête à redémarrer. En ce printemps naissant, seules les plantes à bulbes sont sorties de terre. Tulipes, jonquilles et narcisses. Ma fille découvre ces choses à pétales colorés. Ca l’intrigue. Elle grimpe sur tous les bancs, veut traverser le pont en réfection – tant pis s’il est troué.
Le coucou est arrivé, les bourgeons sont là. Tout est prêt à exploser. Je l’ai déjà confessé sur ce blog : j’aime les fleurs, capturer leur vie en photo. Je vais suivre la suite du printemps avec curiosité. Peut-être que toi aussi ?
Je te souhaite un beau printemps !
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