La Dordogne, c’est ma zone secrète, mon refuge. Là-bas, j’oublie tout, je me ressource. C’est l’endroit où je dors le mieux au monde. J’ai considéré, un temps, aller y vivre. C’était une période où j’ai frôlé (atteint ?) le burn-out. Je ne sais pas si je pourrais m’y installer vraiment. Mais j’adore y aller, été comme hiver.
Des bouts de Dordogne infusent ici et là sur le blog. Mais je n’en ai jamais VRAIMENT parlé. J’ai réalisé ça en partageant une balade sur le causse. Le but d’avoir un blog, c’est de partager les choses qui font vibrer notre corde sensible. Il est temps de réparer cet oubli.
Foie gras, vallées, châteaux, cabanes en pierre sèche, truffes ? Plein de raisons vous viendront. Je pourrais surenchérir, vous sortir des bottes secrètes (comme le pâté fait par mon papa), dérouler des photos illustrant le charme naturel du Périgord, de ses villages et vallées paisibles, de ses paysages où l’horizon se perd jusqu’en Corrèze.
Dans un Web débordant de belles images, d’émotions et d’émoticônes, est-ce que ça vous rendrait plus sensible ? Je ne crois pas. Vous n’avez pas besoin de moi pour savoir que la Dordogne est belle et sympa. Allez-y en vacances, vous verrez. Ce n’est pas là où je veux en venir.
Je voulais vous parler (te parler) d’une autre réalité, celle que la blogosphère nous rend libre de dépeindre : une réalité toute subjective. Cette réalité prend une autre substance, une autre couleur parce qu’elle n’appartient qu’à moi. Parler d’un lieu, c’est parler du lien qu’on a développé avec lui. C’est raconter notre histoire avec notre voix.
Il y a des endroits qui résonnent en nous. Comme un trésor qui scintille dans l’obscurité. Au creux de nous. Moi, c’est la Dordogne. Je suis 50% périgourdine (la seconde moitié restante étant plus confuse). La Dordogne fait partie de mon identité. Intimité. D’un ancrage en moi.
Quand je vivais à Paris, régulièrement, la Dordogne m’appelait. Je ne pouvais pas tenir très longtemps sans mon shot de chlorophylle. Dès que j’y restais un minimum, je remontais avec l’accent.
Pourtant, l’accent, le vrai, je ne l’ai jamais eu. Celui de ma grand-mère que j’écoutais parler dans son fauteuil. Cet accent chantant, rigolant comme l’eau des rivières – pas celui d’Agen vraiment, ni celui de Carcassonne, ou encore celui de Bayonne. Un autre accent du Sud-Ouest, tout doux. J’aimerais l’enregistrer pour vous faire écouter.
Je n’ai jamais été d’ici. J’ai toujours eu du mal à comprendre les vieux messieurs qui remplacent les r par les l, justement. Je me souviens de ce docteur barbu et de son diagnostic lourd. Elle est sourde, votre fille. Je lui avais fait répéter toutes ses questions.
Et pourtant j’ai toujours été de là-bas. J’y passais un week-end sur deux et toutes mes vacances. Un été, des Franciliens descendent de leur voiture et commentent en me voyant : « ah une campagnarde ». C’est la meilleure AOC jamais reçue.
Je n’avais ni téléphone ni télé. Rien d’autre à faire que lire ou prendre l’air. Je dégommais des piles entières de livres. Je jouais dans les bois. J’écoutais la radio en regardant les nuages. Je rapportais la plus grande collection de champignons venimeux le lundi à l’école.
Quand Amélie Poulain apprenait la mort de Lady Di à Paris, moi j’étais là-bas dans mon paradis. J’y avais mon monde imaginaire. Celui entretenu par les romans de Thalie de Molènes, ou les chasses au trésor avec mon frère. Les souvenirs de l’enfance donnent une saveur si spéciale aux choses.
La Dordogne m’a appris la campagne. Son âpreté, sa simplicité, sa générosité. Elle a formé mon amour de la nature, du « terroir ». Je n’aime pas ce mot pesant, mais il a le mérite de poser le décor. Baoum.
Les spécificités régionales se sont gommées au 20ème siècle (dire que ma mère comprenait le patois et pêchait des écrevisses dans un ruisseau). La globalisation n’a pas éteint les fiertés locales. Loin de là. Il suffit que j’écoute mes amis bretons pour en être convaincue ^_^
On n’aime pas tous l’endroit d’où l’on vient. Ce n’est pas tant une question d’origines ou de racines. Ce n’est pas tant une question du « meilleur endroit », de la plus belle vue, des plus beaux atouts, du meilleur fromage, de la meilleure spécialité (bon, je ne renierai le gâteau aux noix pour rien au monde).
C’est plus une question d’affinités ou de souvenirs – du lien à un lieu. On adopte un endroit. On s’y implante mentalement. On construit une relation. A-t-on besoin de s’ancrer pour mieux s’aventurer ? De construire une base solide quelque part, une zone de confort pour mieux explorer ailleurs ? Pour moi, c’est nécessaire.
L’homme est nomade. Il bouge au cours de sa vie, à travers les générations. Nous voyageons plus, nous déménageons plus. Nous nous sommes reconnectés à des désirs profonds d’évasion, de liberté. On fait des road trips, on passe vite, on a peu de temps pour s’imprégner. On vit une histoire en un éclair. C’est l’amour coup de foudre. Mais pas l’amour qui dure, qu’on défie, qu’on éprouve.
Quand je pars en Dordogne, on me demande : « mais où ? ». Je suis bien embêtée. « Nulle part » est la réponse la plus rapide. Très souvent les gens ne connaissent qu’une zone (le Sarladais) et deux-trois villes s’ils sont experts. Ca se corse quand je rencontre quelqu’un qui y a envoyé des cartes postales de ses vacances.
« Dans le Périgord vert ou le Périgord noir ? » Ces appellations touristiques sont réalistes, mais de là où je viens « c’est la frontière entre le vert et le noir – un peu le Périgord blanc aussi ». Sourire d’incompréhension. « Nulle part » est la réponse la plus rapide.
Peu importe d’où je viens, en fait. Peu importe où est mon trésor. Mieux vaut brouiller les pistes. Ce n’est pas une question de carte, ni de carte postale. C’est une question de coeur. De lieu qui construit l’identité, l’imaginaire. De lien spécial, simple, puissant. Comment le décrire, vraiment ?
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