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Sare, le charme d’un village basque à la frontière espagnole

Un week-end au Pays-Basque

Je suis très fan des petits villages nichés en pleine terre basque. Il émane d’eux un semblant de folklore qui résonne comme les échos d’une partie de chistera. Le littoral est loin. L’environnement est plus nature. Leur sérénité est solennelle.

Je connaissais Aïnhoa et ses maisons au garde-à-vous, Espelette et ses guirlandes de piments sacrées, Saint-Pée et son “fleuve” la Nivelle. Rien ne m’avait encore amenée jusqu’à Sare. Je n’avais même jamais entendu ce nom. Sare, c’est Sara en basque (la forêt). Je l’ai découverte pour mon anniversaire. Ca a été un très joli cadeau.

Je suis revenue enchantée. Mon discours était digne de Pierre Loti, qui y a planté le décor de son romanesque Ramuntcho. Mon enthousiasme s’est délité au moment de trier mes photos. Où était passé ce relief, cette atmosphère envoûtante que j’avais perçue ? Une affreuse malédiction s’abattait :

Ce village dont on ne m’avait jamais parlé, et dont je n’arriverai jamais à parler.

Le hasard a remis Sare sur ma route deux petites semaines plus tard. A la bibliothèque, je suis tombée nez-à-nez (littéralement – ça m’arrive souvent) sur le livre “Sare, vu par les visiteurs d’autrefois”. Je l’ouvre et là tout colle : les descriptions, les impressions. D’autres avant moi avaient ressenti la même chose. C’était donc vrai.


“Sare, vu par les visiteurs d’autrefois” a été écrit par Jacques Antz, un auteur prolifique sur le village. Ce livre ne semble plus être édité. J’en cite des extraits dans ce billet.


A l’automne

« L’automne qui transforme fougères et bruyères en un somptueux tapis mordoré et violet,

fait mieux ressortir la symphonie des maisons blanches » (Jacques Antz)


Sare est fichée dans un joyeuse vallée parcourue de ruisseaux, au pied de la Rhune, LE pic du Pays-Basque. On se gare sur un parking penché et on monte, le corps à 10°, une petite rue pour arriver à la Plaza, le coeur du bourg. On a très faim, on prend une baguette et un gâteau basque (oui, à la crème, si’ouplait).

Dès le premier coup d’oeil, Sare a cette simplicité du village basque que j’aime beaucoup. Ces maisons massives aux façades blanches, sans fioritures. Un clocher convivial, le mythique fronton de pelote basque, une minuscule allée de platanes comme rue centrale, des petites commerces. A priori rien d’extraordinaire.

Ce qui lui donne un air original et un charme fou, c’est son intrication au paysage. Le village est placé dans un écrin de nature. Avec les couleurs de la fin de l’automne, c’est très beau. Les sommets transparaissent derrière les toits. Cette imbrication maison/montagne m’est peu familière – dans mon imaginaire, ça n’existe qu’en Suisse. Non, c’est bien le Pays-Basque.

« Entre des montagnes tapissées de fougères et de chênes,

le tranquille village de Sare est un peu le coeur du Pays-Basque » (Pierre Loti)

On est affichés direct comme des touristes quand on sort de la boulangerie avec notre banal “au revoir”. On a trop faim pour apprendre à parler comme les locaux (on aurait l’air ridicule de toute façon, non ?). Notre pique-nique commence à prendre forme après un tour à la charcuterie. On se pose dans le mini-square du village sous un soleil automnal clément.

De toutes mes expéditions basques, je n’étais jamais allée à Sare. Pourquoi ? 1. Acte manqué : j’ai toujours voulu faire l’ascension de la Rhune et il y a toujours un truc qui a contrarié mes plans. 2. Défaut de conseil : personne ne m’avait encore recommandé d’y aller. 3. Manque d’inspiration : le descriptif du Routard ne m’y avait pas spécialement attiré : “un autre de ces villages typiques”, “trop mondain”…

Bien que je sois plutôt insensible aux détails rutilants, il m’a bien semblé être dans une localité plutôt simple. Est-ce le fait d’avoir vu le village hors saison ? Les qualificatifs qui me viendraient à l’esprit seraient : “village basque atypique”, “charme”, “cadre naturel surprenant”.


Que faire à Sare ?

Visiter Amis gourmands, Sare abrite le musée du gâteau basque (à défaut de le visiter, on peut y acheter des gâteaux).

La maison Ortillopitz est ouverte d’avril à octobre, et permet de découvrir une maison basque typique de l’intérieur.

En retrait du village, les grottes de Sare offrent une plongée au coeur de la montagne.
Manger Les saucissons moulés comme des gâteaux de la charcurterie du bourg sont suprenants (et très bons).

Le salon de thé Sare et Thé et sa cuisine végé du midi nous ont fait de l’oeil, mais on ne l’a pas testé.

Hors saison, il faut dîner ailleurs que sur Sare. On a testé le Zuzulua, un resto à la cuisine familiale et à l’accueil chaleureux, et le bistro La Nivelle, aux tapas et plats excellents.
Dormir Le matin, on se réveillait au pied de la montagne à la maison Aretxola. Le cadre est au top, l’accueil très sympa et le petit déj hyper bon et généreux.

Les bonnes adresses ne manquent sur Sare, vous pouvez essayer Booking.


Pour les actus, le village a son blog Sud-Ouest.



A la frontière pyrénéenne

« Les pics, autour de Sare, étaient comme des îles

D’une terre interdite où nul n’eût pénétré » (Francis Jammes)


Des vautours survolent la montagne. Ca parle beaucoup Espagnol autour de nous, on se croirait ailleurs. Sare a une position intrigante sur une carte géographique. C’est une presqu’île d’une vingtaine de kilomètres en pleine Navarre espagnole.

A la lisière pyrénéenne, elle est à cheval entre la France et l’Espagne, entre plusieurs mondes : des mondes ouverts ou souterrains, entre pics et grottes, histoires et légendes.

Le soir, le GPS fausse notre route et nous perd sur un chemin de terre, au milieu de nulle part, dans la nuit noire, avec pour seules lueurs, des lumières perdues au loin. On est passés en Espagne sans s’en rendre compte. On a beau a priori ne courir aucun danger, la cabane qui apparaît face à nous ressemble fort à celle des Huit Salopards de Tarantino. On fait vite marche arrière.

Cette proximité avec l’autre monde entretient le flou. Elle exalte l’envoûtement. Sare est une terre de mystère. Elle abrite dragon, laminak (les lutins basques) et basajaun (un peu le yeti d’Iraty).

Le lendemain, on part visiter Zugarramurdi, juste de l’autre côté de la frontière. Je suis attirée par son histoire de sorcières. Ses grottes auraient longtemps abrité des cérémonies païennes (“akelarre” en basque, lande de bouc). Un musée revient sur les anciennes croyances locales.

En chemin, la lumière nous joue des tours, la brume masque le décor, les nuages avalent les monts. Le paysage est fugitif. “J’ai toujours trouvé ça étrange les frontières”, me dit Trublion. On contourne une venta avec ses gros volets rouges, qui fait comme barrière sur la frontière.

Le pays a longtemps été le fief des contrebandiers, comme l’a décrit Prosper Mérimée au 19ème. Les grottes abritaient leurs festivités. L’illustre contrebandier sarratar “Monsieur Michel” a même accueilli Napoléon III et l’Impératrice Eugénie (qui a laissé son nom à la Villa Eugénie à Biarritz).

On fait une pause goûter (au saucisson) sur le bord de la route. Une truie en balade gourmande vient faire notre connaissance. Le moment 😳 de la journée. Zugarramurdi nous attend, derrière son voile de mystère. La nuit commence à tomber.

On sort de la voiture, le corps à 25 degrés cette fois. Le bourg est totalement éteint. Des pompiers français passent joyeusement avec leurs calendriers sous le bras, pour les étrennes. A part eux, personne d’autre ne rigole. Les maisons sont closes. Personne ne traîne. Les voitures passent très vite.

Zugarramurdi a subi l’Inquisition en 1610, tout comme Sare a été victime de la répression des sorcières sous Henri IV. Un conseiller du roi avait rapporté que des sorcières volaient du sommet de la Rhune sur leurs balais. C’est comme si leurs ombres volaient au-dessus de nous.

On fait le tour du village. On ne croise qu’un chat. L’église et son clocher-dôme semblent léviter sur une plateforme invisible. On est à flanc de montagne et le brouillard coule vers nous.

La mythologie basque raconte un pacte faustien entre le serpent à 7 gueules et un berger en quête de fortune. Ce dernier a accepté de mettre le feu aux forêts de la Rhune en échange d’un pactole. Le serpent a craché une avalanche d’or et d’argent qui a dévalé sur La Rhune, emportant avec elle le berger avide.


Un monsieur hâtif revient chez lui avec son panier de courses. Je lui souris, hésitante (hiii.. holà 👋). Il claque sa porte. Des vendeurs de pottoks ont débarqué. Ils discutent sans nous voir.

On s’en va sans bruit, subitement hâtifs nous aussi. Zugarramurdi nous laisse une impression aussi étrange que son nom. On fait demi-tour vers notre monde. Sare et sa vallée sont dans la nuit. Les ombres défilent et la verdure s’évanouit. Je vais lire Ramuntcho, je pense.

La Rhune, « un beau point de départ pour les songes » (Gaëtan Bernoville)

Magali

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Magali

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