Santa Claus est à Santa Cruz. Malheureusement, nous ne l’avons pas encore vu. Mais on voit des signes de lui partout. Il passe en
train tous les jours, pas très loin d’ici, et il fait les unes des journaux. On y discute de la couleur du Père Noël. Elle fait couler beaucoup d’encre, partout aux Etats-Unis…
Santa Claus était vert
© Haddon Sundblorn, Coca-Cola, 1934
Vous le savez déjà, ou peut-être pas : le Père Noël, les Américains l’ont fait se rhabiller. Oui, ils ont osé ! Avant il s’habillait en vert, et grâce à la magie disruptive de la publicité,
il est devenu rouge. Jusqu’au 20ème siècle,
Father Christmas était représenté dans une robe verte. L’image moderne du Père Noël portant veste fourrée et pantalon remonterait aux dessins de
Thomas Nast, un caricaturiste américain du 19ème siècle. Dans les années 30,
Coca-Cola a utilisé l’image du chouchou des enfants, en lui donnant un style aux couleurs de la fameuse boisson. Le Père Noël est ainsi devenu rouge en 1931. Le nouveau look du Père Noël était adopté.
La couleur du Père Noël fait débat aux Etats-Unis
Aujourd’hui, ce n’est plus la couleur de sa robe qui attire l’attention, mais la
couleur de la peau du Père Noël. C’est le débat qui a provoqué quelques vagues dans les médias américains, à l’approche des fêtes de fin d’année. Tout est parti d’un éditorial publié dans
Slate par Aisha Harris : pour elle, Santa Claus ne doit plus être représenté comme un homme blanc, mais comme un
pingouin, un animal attachant auquel pourraient s’identifier tous les enfants, quelle que soit leur couleur de peau.
La chaîne de télé américaine Fox News a aussitôt rebondi sur l’éditorial en lançant un sujet spécial pour discuter de la couleur de peau du Père Noël avec trois invités (blancs). Quand on connaît la somme d’informations dont est abreuvée chaque jour une rédaction, ce choix de traitement n’en paraît que plus arbitraire et étonnant (ne pouvaient-ils pas parler d’autre chose ?). La présentatrice Megyn Kelly doit tenir à sortir son scoop du tonnerre :
« le Père Noël EST blanc », explique-t-elle aux téléspectateurs. Pour être précis, elle s’adresse aux enfants qui regarderaient son JT (on sait tous que les enfants adorent regarder le JT, c’est une cible de premier choix).
Notons qu’elle omet avant tout de dire LA vérité. Cette vérité qu’on évite certes de révéler aux enfants, mais pas aux adultes regardant le JT : non, le Père Noël n’existe pas ; donc, il n’a pas de couleur.
Le multiculturalisme américain en question
Cet épisode de Fox News et les écrits d’Aisha Harris ont nourri ce mois-ci une floppée d’articles dans la presse américaine. Ils soulignent bien le fond du sujet :
comment définir (ou redéfinir) les mythes d’un pays en prenant en compte les identités multiples de sa population ? Rappelons que le Père Noël est arrivé dans la culture populaire, aux Etats-Unis, via les immigrants néerlandais. Noël est à l’origine une fête chrétienne, mais Santa Claus est totalement païen. Le personnage a été remodelé en fonction de l’évolution des représentations populaires.
Aux Etats-Unis, compte tenu de la diversité des origines spirituelles des gens, les fêtes de fin d’année ne sont pas exclusivement centrées sur Noël. On ne vous souhaitera pas un « Merry Christmas », mais un
« Happy Holiday ». En 1966, Maulana Karenga a initié aux Etats-Unis une semaine de fêtes de fin d’année dédiée aux Afro-Américains :
Kwanzaa. Est-ce que le pays du
salad bowl sortira de son chapeau une figure remasterisée de Santa Claus (ou de Pingouin Claus), transcendant son multiculturalisme ? Pour l’instant, c’est une question qui reste en suspend.