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Il est 9h04. Je suis en retard. Une boule de magma en fusion monte en moi. Ma fille lambine. C’est furieux, incontrôlé. J’ai envie de lui hurler : il faut se dépêcher.
« Le monsieur, maman ! » Elle fait des flexions de genoux sur le trottoir, hilare, et me montre un homme dans une nacelle. C’est la première fois qu’elle voit un truc comme ça. C’est vrai qu’un homme dans une nacelle, ça a quelque chose de fou, quand on y pense.
Je reviens à mes esprits : qu’est-ce que sont des minutes de retard en comparaison à un engin technologique ? Je range mon portable et me plante sur le trottoir. Inspiration, expiration. Le poids de mon retard s’allège. Le BTP commence à m’intéresser. Je regarde le monsieur, dans sa nacelle. Il nous regarde à son tour. J’hésite à lui faire coucou.
tic tac
tic tac
tic tac
Comment expliquer le temps à un enfant ? Mes présentations pédagogiques sont peu convaincantes. Exemple : je montre l’horloge du four. Ca c’est une horloge, les chiffres lumineux m’indiquent que je devrais avoir commencé à travailler, et là est-ce que je travaille ? Non. Ma fille me regarde avec des yeux ronds.
Certains conseillent d’acheter un sablier pour gérer les situations « dans 5 minutes on doit partir ». Ca marcherait bien… sur moi !
Quand on est en retard, je visualise un sablier qui s’écoulerait lentement, suivie d’un rappel de ma charge mentale. Item non réalisé : acheter le sablier. Une première zone rouge s’active. Confusion angoissante. Voix dans ma tête : « la clef la clef la clef !!! ». Image projettée : le sable tombant à la même vitesse que s’ouvre l’ascenseur dans Shining. Le summum de la terreur. Une deuxième zone rouge, plus vaste, s’étend dans mon cerveau. Rien ne va plus.
Comment expliquer le temps (ce quelque chose qui n’existe pas) ? Ce truc n’est qu’une idée abstraite, mais si fortement construite dans nos esprits qu’elle parvient à nous angoisser. C’est flippant, non ?
Chez nous, on a peur du temps, plus qu’on ne l’apprécie. J’ai peur de quatre minutes. Est-ce vraiment sérieux ?
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Une semaine en dehors de tout, en dehors du temps. Le premier jour, mon cerveau moulinait dans tous les sens. A la rentrée j’enverrai ce doc à mon client, j’ai oublié de rembourser machin de tant, est-ce que ce que je fais me rends heureuse, où est-ce que je partirai en vacances cet été, et si je changeais de vie ?
Le jour d’après, c’est comme si la nuit m’avait lobotomisée. Mes pensées s’étaient arrêtées. Je voyais tout sur pause, j’avançais dans un ralenti cinématique, le thé à la menthe au lever du soleil coulait indéfiniment, je tournais la tête à 100 images par seconde. Tiens, il y a un oiseau, posé sur la branche. Que fait-il ici ?
Le souffle du désert m’avait changée. Et je suis rentrée à Paris. La zen attitude s’est évaporée. C’était il y a 8 ans.
Relationship: complicated
Au début de l’année, je me suis investie d’une Grande Quête : optimiser mon temps. J’ai cherché les recommandations de livres, les audiobooks, les podcasts. Pendant des heures, des milliers de minutes, j’ai cherché. Comment maintenir un niveau de tension pour être le plus productif possible neuf heures par jour, comment s’organiser, rester au top, aller plus vite, être plus efficace.
J’ai trouvé la réponse à l’endroit où je l’attendais le moins : en moi. Cette réflexion était sans doute en gestation depuis un moment. Dans un billet, l’été dernier, je parlais de la productivité de l’oisivité : les temps mous, l’ennui nous sont bénéfiques – mieux vaut capitaliser dessus que les chasser.
Et si ce n’était pas le temps, mais notre relation au temps qu’il fallait gérer ?
Notre lexicologie autour du temps est symptômatique. Comment prendre le temps, en dégager, grapiller des minutes. Comme s’il nous échappait entre les doigts. Comme si c’était un indomptable. Comme s’il fallait lui courir après sans jamais espérer le rattraper.
C’est nous qui construisons notre rapport au temps. Ce lien varie en fonction des cultures. Dans les sociétés occidentales, on tend à confondre temps et vitesse. Ca veut dire qu’on peut décider d’agir sur notre relation au temps pour la pacifier, l’apaiser, mieux la vivre.
Pourquoi la vitesse n’est pas la clef du succès. Une interview de l’écrivain Ryan Holiday et l’entrepreneuse Marie Forleo que j’ai beaucoup aimée regarder, et qui aide pas mal à relativer et dédramatiser sur « le temps que l’on perd/prend » concernant nos projets pros :
(c’est en anglais, mais on peut mettre les sous-titres !)
Je n’ai pas acheté de sablier. Je travaille ma relation avec le temps. Le temps passe. C’est une idée, pas une réalité. Rien ne sert de lui courir après. Je dois restée ancrée. Vivre le moment présent. Etre présente là où je suis. Et respirer.
J’ai eu un déclic avec le yoga le jour où Adriene (de Yoga with Adriene) m’a parlé d’apprécier le contact de mon corps avec le sol. Juste ça. J’étais de nouveau dans le désert marocain, à apprécier la moindre chose, le moindre instant, à regarder cet oiseau sorti de nulle part se poser sur un des rares arbustes poussant dans le sable. J’ai compris. Enfin.
Malgré plusieurs tentatives, je n’avais jamais accroché. A tous les cours que j’avais faits, j’enchaînais les poses comme on me les montrait, je respirais comme on me disait. Je regardais les mouches voler, rentrais chez moi dépitée.
Idem avec la méditation. Minute de silence, méditation guidée. Trente secondes, mon esprit s’égare. Je ne peux pas perdre de temps à ne rien faire. Je cherche à taire cette voix. Où sont les bénéfices, le retour sur investissement ? Ca ne marche pas sur moi.
Je profite de l’été pour aborder ces pratiques qui me ressourcent, me recentrent. Je travaille mon rapport avec le présent, mes émotions. J’entretiens mon muscle de la patience (il paraît que la patience est comme un muscle, plus on la travaille, plus elle se développe), ma résistance à l’envie d’être toujours en mouvement.
isMONEY
LOVE
J'en avais marre d'être sous pression, comme une cocotte-minute prête à exploser. D'avoir des pensées…
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