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Conversations silencieuses

Une tasse de thé. Des agapanthes sur une nappe à pois. Mon carnet. Je m’attable pour écrire ce billet. Son titre et son contenu me sont encore inconnus. Une vague idée fume, comme ma tasse de thé.

Des muffins aux myrtilles gonflent dans le four. Chaleur tournante. J’ai rajouté du sel à la vanille de Nouvelle-Calédonie, j’ai léché la cuillère. Mode : Bree Van de Camp 🔛 En vérité, je n’ai pas fait de muffins depuis au moins 8 ans. Rien ne me dit qu’ils seront réussis, comme ce billet.

Réflexions. Parallèles. La cuisine, c’est la créativité de la survie. On a besoin de manger. Ma tambouille bloguesque est moins nécessaire. En cuisine comme en blogging, je me focalise beaucoup plus qu’avant sur le fait de faire. Sur la recette, plutôt que le résultat.

Est-ce que la baisse des commentaires sur les blogs nous incite (nous, blogueurs, blogueuses) à nous concentrer plus sur notre plaisir de bloguer ? Chez moi, oui. L’avalanche de réactions à ce Twitt de Kenza, l’autre jour, m’a frappée, comme si ça validait une tendance.


Le blog est par nature conversationnel. Revient-il au 1.0 de l’écriture ? A une conversation silencieuse entre son auteur et son lecteur ?

Mes muffins sont cuits. L’ombre du tilleul tourne dans la cour. Les feuilles laissent leurs impressions sur les dalles grises. Des petites touches noires très légères.

Dans ma rue, les soirs d’été, les gens s’installaient devant leurs maisons sur des chaises ou des bancs. Les rideaux tirés, les portes ouvertes. Ils parlaient.

Les soirées étaient conversationnelles. L’été, sur les paliers. L’hiver, près d’une bûche embrasée. “Ca a changé avec l’arrivée de la télé.” Les médias, les relations, les moyens de converser changent.

Ma grand-mère, née dans les années 30, allait se sociabiliser sur un banc d’un jardin public de Périgueux. Je suis née 50 ans après elle, et tente de converser avec d’autres personnes sur le Web. Devrais-je plutôt aller au parc ? Peut-être que oui.

Juin 2018. Je publie une lettre à mon lecteur. Zéro réponse. Confirmation : je parle à un organisme unicellulaire d’une autre planète. Tout va bien se passer, Magali. Si tu fais appel à une spécialiste linguiste, vous devriez réussir à communiquer, comme dans le film Arrival (note : ce film de SF est très triste mais très bien, si vous cherchez quelque chose de nouveau à voir).

Parfois, il parle vachement bien ma langue. L’autre jour, il me laisse un commentaire avec trois coeurs rouges à l’intérieur. Je suis heureuse. Non, sans blague. Heureuse. J’irradie de joie. Cerise sur le gateau.

J’ai refait un thé, je croque dans le dôme déformé d’un muffin non calibré — du fait maison homologué. Ma pile à lire de l’été est pleine. Je suis bien. Transat, soleil, chaleur enveloppante du Sud-Ouest. Les mots n’ont plus qu’à couler sous mes yeux sans que jamais la source ne se tarrisse.

Le premier livre sur ma pile était Wild de Cheryl Strayed. Ce livre me manque. Sa compagnie le soir, son flot de paroles, son univers sauvage. Trublion était parti dans l’Himalaya. C’était mon nouveau copain de chevet. Ca vous arrive de vous immerger si fort dans un roman que vous regrettez de l’avoir fini ?

J’étais entrée en discussion avec l’auteure. Oui, Cheryl, je te comprends. Oooh qu’est-ce que tu vas faire là ? Son bouquin m’a énormément parlé. La peur, la solitude, le deuil, les relations humaines, les expériences qui te font évoluer.

J’avais vu le film quand j’étais en Californie, et, pour compter les points du débat “livre/film, quel est le meilleur ?”, j’ai préféré le bouquin. La dimension psychologique est au premier plan. Dans le film, on restait plus en surface, avec des flashbacks “ma vie dramatique d’avant” VERSUS des images magnifiques “voilà comme c’est beau de faire le PCT*”.

La lecture est une conversation silencieuse. Que se passerait-il si l’auteur surgissait de notre livre comme un pop-up pour chatter ? Pour ma part, je me sentirai démunie.

“Tes muffins sont très bons. Ils sont peut-être un peu trop cuits.” Commentaire instructif de Trublion, revenu de l’Himalaya avec des photos National Geographic. Je note : minuterie sur 20 minutes pour la prochaine fois.

995 commentaires ont été postés sur ce blog, dont certainement 40% par moi puisque j’y réponds le plus souvent. J’avance ça sans preuve statistique : il y en avait plus avant qu’aujourd’hui. Pour moi, c’était lié à mon retour en France, pas à une tendance globale. C’est certainement multi-factoriel.

Chaque billet de blog lance une conversation en moi. Tiens, ce billet me donne une autre idée, je vais réfléchir à un sujet sur la lecture. Ca me pousse à bouillonner intérieurement, à approfondir des réflexions. Et puis, il y a les conversations qui se tissent avec d’autres blogueurs/ses, au fil du temps, en laissant un commentaire par ci, par là.

Parfois, j’imagine les pensées des lecteurs, ceux de l’ombre, qui passent sans laisser de trace. Entre nous, il y a comme une conversation silencieuse. Plein d’histoires commencent, se prolongent par des moments de silence. Ces anges qui passent.

Magali

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