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La claque américaine

Vous connaissez La Classe Américaine ? C’est une parodie de films américains doublés en français, qui raconte l’histoire de l’homme (censé être) le plus classe du monde, George Abitbol. Un matin de 2014, je me suis réveillée avec une interrogation : est-ce que j’ai la classe américaine moi ? Faut bien se dire que je me suis plutôt prise une claque américaine. Depuis, je m’en suis remise. Mais l’autre jour, quand un copain m’a avoué qu’au début, il ne comprenait rien (rien !) à ce que je lui disais quand je lui parlais anglais, je me suis souvenue de ces débuts difficiles… La claque américaine, ou les ardues barrières linguistiques.

Qu’est-ce-que la claque américaine ?

La langue, ça reste un des défis les plus importants qu’on aura rencontrés en s’expatriant aux USA. Il faut dire que de ça, découlent aussi d’autres choses capitales, comme les interactions sociales ou l’intégration avec des Américains. Retour sur ce challenge compliqué.

Avant de partir aux USA Nous avons été pris dans un tourbillon de préparatifs palpitants ; notre quotidien était enchevêtré à des to do lists de trois mètres de long. Parmi toutes les questions que nous avons eues à nous poser à ce moment (et que nous n’aurions même jamais imaginées nous poser dans notre vie), à aucun moment, n’est apparu LE sujet linguistique. Nous l’avions tous deux balayé d’un revers de la main. Oh, parler en anglais, oui, on va gérer. (Bien-sûr ;))

A l’arrivée A l’instant où j’ai posé le pied sur le sol américain, tous mes souvenirs de cours d’anglais me sont revenus en mémoire : des inlassables répétitions des phrases comme “where is my uuumbreeella?” (j’y pense chaque fois que je prononce le mot “umbrella”) à mon prof d’anglais de terminale qui m’a appris toute la base d’un anglais bien construit. Je me suis dit : avec tout cet entassement de savoir, mis en exercice au boulot, tout va bien se passer. J’ai fait “hi” au douanier, j’ai souri gentiment à toutes les premières personnes qui me parlaient, et je me suis endormie sur mes deux oreilles.

La claque Les deux premiers mois, c’est là que s’est produite la claque. La vraie claque américaine. J’ai dû m’avouer que quand je ne comprenais pas le caissier, il y avait comme un problème. En raccrochant de mon premier appel téléphonique en anglais (une catastrophe), tous les beaux mots que j’avais appris en anglais se sont effondrés. Je me suis retrouvée face à cette vérité que l’on déplore souvent : en France, on a un très mauvais système d’apprentissage des langues étrangères. A l’école, on ne nous apprend pas à gérer une situation verbale, ni à faire du ping-pong avec les mots. On nous apprend juste à écrire de magnifiques phrases alambiquées qu’un natif ne dirait pas lui-même.

Plus d’un an aux Etats-Unis : bilan linguistique

En toute objectivité, Trublion a plus la classe américaine que moi. Par le biais de son boulot, il est plus immergé que moi, qui télétravaille. Il interagit avec plus d’aisance et de réactivité. Globalement, on a beaucoup progressé (ça fait plaisir quand on nous le dit). Mais l’apprentissage continue. Je vous en avais déjà parlé dans un article sur l’anglais au quotidien.

Les trois détails qui ont tout changé Ils pourront paraître dérisoires à certains, ou utiles à d’autres. J’ai eu plusieurs déclics pour mieux me faire comprendre. Vraiment, ça marche nettement mieux de :
  1. parler fort. La règle d’or. Ca a été notre révélation à tous les deux. Quand on “ose” parler plus fort, on se fait mieux comprendre. Les Américains ont un volume sonore assez élevé, et c’est donc assez efficace d’adopter le même volume 😉
  2. mettre la bonne intonation. Souvent, c’est ce qu’on nous a justement pas appris à faire à l’école… Ecoutez bien autour de vous ou dans les films, et essayez de vous imprégner de la musique de la langue. Quand on prend ensuite le pli, c’est assez cocasse de voir que ces intonations ressortent ensuite en français (ce qui donne quelque chose de très bizarre).
  3. en dire moins pour dire mieux. Les Américains vont à l’essentiel. Ils optimisent la langue. Parfois mieux vaut aller droit au but que de se perdre dans des blablas qui risquent de les perdre.

Encore des petites frustrations Quand on met 10 secondes de plus avant de répondre à une question, qu’on pense à une blague une minute plus tard dans une conversation ou qu’on peine à exprimer les nuances de sa pensée, forcément, c’est frustrant. On a l’impression d’être soi mais en version buguée ou un peu superficielle. Personnellement, avant de vivre aux USA, mes interactions en anglais se faisaient plus souvent avec des non anglophones natifs. On parlait un anglais international, tout le monde avait un petit accent, on se comprenait, c’était l’essentiel. En Californie, on rencontre parfois des personnes qui ne font pas du tout d’effort pour comprendre les étrangers. Ca peut être décourageant, surtout quand on fait tout plein d’efforts pour s’exprimer de la manière la plus intelligible possible. Mais le côté positif, c’est qu’on n’a pas le choix : il faut continuer de s’améliorer.

Et toujours des anecdotes cocasses Pendant un an, Trublion a essayé toutes les prononciations pour demander des “Camels”, les gens ne comprenaient jamais et le reprenaient toujours en ayant eux-mêmes des prononciations différentes. Finalement, il n’a toujours pas réussi à percer le mystère de cette prononciation aléatoire… Si quelqu’un a le fin mot de l’histoire, on est preneurs 😉

De mon côté, pas plus tard que le mois dernier, je croise trois jeunes entre eux, calés sur un muret. Derrière eux, un super panorama de San Francisco. J’arrive là, l’appareil autour du coup (comme une vraie touriste). Et l’un d’eux, d’un air sympa, me dit : Are we on your way to take an awesome picture? (traduc’ : est-ce qu’on t’empêche de prendre un super photo ?). Et là, je lui réponds : j’espère bien ! Il me regarde, un peu déstabilisé. J’avais compris : Are you on your way to take an awesome picture? (est-ce que tu es sur le point de prendre une super photo ?). Poinpoinpwwwoin.

La thérapie du zen

Se confronter à une autre langue, essayer de la dompter… fait parfois partie du défi de la vie à l’étranger. Le mieux, c’est certainement de réussir à se détacher de tout ça (pas toujours facile quand on vous renvoie l’image de l’estranger). Au bout d’un an passé, ce que je retiens, c’est qu’il faut prendre son mal en patience :
  • Ne pas sous-estimer le décalage linguistique, mais à l’inverse, ne pas sur-stresser (on s’en sort toujours, quoiqu’il arrive)
  • Compter sur une bonne phase d’adaptation pour décrypter et intégrer les codes et rituels
  • Développer une philosophie du zen :
    • Prendre un max de recul (en même temps, face à des anglophones natifs, vous ne pouvez que parler comme une vache espagnole, et alors ? l’essentiel, c’est de se faire comprendre… euh si vous y arrivez) (au pire, vous aurez plein d’histoires drôles à raconter sur vos pédalages dans la semoule et des situations d’incompréhension cocasses)
    • Rester patient. Comme disait La Fontaine, “patience et longueur de temps font plus que force ni que rage”.

Bon, ces conseils sont totalement empiriques et non exhaustifs. J’ai moi-même encore des progrès à faire. Améliorer sa maîtrise d’une langue, c’est certainement le travail de toute une vie… Il paraîtrait qu’on ne peut être totalement bilingue qu’en ayant grandi complètement immergé dans les deux langues. Vous en pensez quoi, vous, de tout ça ? Je me dis que ça peut être pas mal de tenter une thérapie de groupe 😉

A+
Magouille

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