La quête mystique
et l’idée perdue
Novembre, c’est le mois de mon anniversaire. Cette année, j’ai atteint l’âge ultime du Christ : 33 ans. Faut-il y voir un signe mystique ? J’ai eu une révélation pour la rubrique « thérapie créative » de ce mois-ci. Une super idée. Je ne l’ai pas notée. Elle s'est perdue.
Comme un flash d’Instax, l’idée m’a éclairée, puis s’est éteinte dans la nuit. Me laissant un halo sur l’oeil. C’est fou comme une idée perdue a le pouvoir de se transformer en idée de génie. A posteriori. On se dit : elle était si éclairante sur le moment qu’elle devait être bonne. C’est comme le passé qu’on réécrit, les souvenirs qu’on recompose. Une période pourrie est remoulinée en bon temps de la jeunesse. Cette idée sublime était-elle anodine en vrai ?
Quand j’oublie une idée, je me dis qu’elle n’en valait pas la peine. Je passe à autre chose. Mais là ça contrariait mes plans. Il y avait un Lego à encastrer dans une oeuvre plus vaste, un morceau à combler dans ma thérapie créative, une suite logique avec les précédents billets, quelque chose d’évident.
Une bonne idée ne se perd pas, il paraît. Elle réapparaît toujours. En rêve, sous la douche, au moment où on ne s’y attend pas. Eurêka ! Elle nous foudroie de nouveau. Alors j’ai attendu. Elle va revenir. Je me suis creusée la tête. Je me suis remise en condition. Faire le poirier ne marche pas. J’ai paniqué : ma dramaturgie va demeurer incomplète. Inachevée.
L’idée de l’idée m’a hantée. Son spectre était angoissant, dans la nuit noire (avec son couteau de cuisine et son masque de clown). L’idée perdue a le pouvoir de nous rendre fou. C’est une idée fixe, mais absente. Le fait de la chercher nous fait perdre la tête. Bon sang, elle est quelque part dans mon cerveau. Je dois la retrouver sinon je ne serai jamais tranquille. Jamais.
Vingt jours sont passés et l’idée n’est pas revenue. La matière « idéale » est malléable, étirable à l’infini, super recyclable. Sa plasticité est géniale. Rien ne se perd, tout se transforme. Peut-être s’est-elle réincarnée sous une autre forme ? Un mouton une nuit d’insomnie ?
le carnet à idées
J’essaye de noter le plus possible mes idées. J’ai un cahier de compagnie (comme un chat mais sans poil) et un autre carnet tout minuscule que je glisse n’importe où quand je sors. La créativité repose sur une dynamique « satisfaction / insatisfaction ». Quelque chose qu’on tente de changer pour accomplir un but, comme se sentir bien, heureux, épanoui, transporté*. Est-ce une quête mystique ?
Ces deux dernières années, j’ai été visitée trois fois par une témoin de Jéhovah. J’ai trouvé ça dérangeant. L’autre jour, je l’ai croisée, en nouvelle délégation. J’ai compris qu’elle avait une vraie démarche CRM. Elle ciblait les maisons. J’étais ciblée. Ca a appuyé mon malaise. A-t-elle vue en moi une cible prioritaire ?
Je ne suis pas mystique. J’ai un penchant pour les choses mystérieuses. Petite, je vouais un culte aux sorcières. Mes bars coups de coeur s’appellent souvent L’Alchimiste (mention pour celui de Lorient avec son Merlin l’enchanteur). Et c’est vrai : je cherche à doter ma vie d’un sens. Est-ce qu’il y a des périodes où notre acuité à ça est plus forte qu’à d’autres ? Une brèche d’opportunité qui s’ouvre à un temps T suite à certains évènements ? Je crois que oui. Ma quête n’est pas là par hasard.
J’ai fait le deuil de l’idée. Je suis sûre qu’il y a des ressorts en nous bien précis. Une logique de dominos. Un à un, ils tracent une route, ils vont dans un sens. Résonnement de gong. Les idées sont un flot. Seul le flot compte. Pas l’idée en elle-même. Deuxième résonnement de gong. Je continue ma route. Et puis, quand même, comme ça, l’air de rien, elle reviendra peut-être vraiment… l’idée.