Soulac et la mer
Posée à la pointe Nord du Médoc, le long de l'océan, Soulac-sur-Mer a le charme d'une cité perdue. On s'y est baladés, le temps d'un après-midi. Hors saison, ses rues calmes se prêtent aux flâneries. Le littoral, lui, témoigne d'une érosion en progression...
Dans le village
Les mimosas sont en fleurs. Et les villas en briquettes, bien coquettes. Flâner dans le centre de Soulac-sur-Mer est enthousiasmant. Avec ses maisons en brique rouge aux volets contrastés, c’est une jolie ville balnéaire, tout au nord du Médoc, à 1h45 de Bordeaux.
L’architecture ornementée des villas soulacaises, avec leurs petites dentelles de bois en bordure de toit (les lambrequins), crée un cadre exotique.
Au bord de l’Atlantique
Soulac-sur-Mer et ses 2 635 habitants côtoient la Pointe de Grave, où la Gironde se jette dans l’océan Atlantique.
On descend sur la plage. Les enfants jouent. Les adultes jaugent l’océan. Le vent est fort. On se couvre pour aller voir l’écume de plus près.
Le long du rivage, la scène est plus cataclysmique. On sort de l’ambiance « Belle Epoque ». Il y a les blockhaus, traces de la Seconde Guerre Mondiale, qui tombent dans la mer.
Le travail de l’érosion
Soulac est une des zones du littoral aquitain les plus touchées par l’érosion, du fait de la proximité de l’embouchure de la Gironde. Le symbole malheureux de l’érosion, ici, c’est l’immeuble Le Signal.
Il y a trois ans de ça, ses habitants ont été sommés d’évacuer les lieux sous cinq jours. Arrêté de péril. J’avais lu dans la presse, à l’époque, qu’il menaçait de s’effondrer.
Des gens sont allongés juste devant. Les badauds s’en approchent, histoire d’étudier de plus près le phénomène. En y repensant, je trouve ça effarant (et effrayant) que la zone ne soit pas sécurisée. Et si, soudain, tout s’effondrait comme un château de sable ?
Le Signal
L’immeuble tient toujours.
A la fois témoin / victime / désigné coupable par certains. Finalement ravagé non pas par les vagues, mais par les hommes. Ouvert aux quatre vents, ses vitres brisées, ses murs graffés. L’édifice se trouve dans l’attente d’une hypothétique destruction.
Ces trois dernières années, il a continué de vivre à sa façon, de manière un peu fantomatique. Habité des souvenirs d’été, visité par les chercheurs de lieux abandonnés, ou même interrogé artistiquement :
Erigé dans les années sixties à 200 mètres de l’océan, Le Signal se situe aujourd’hui tout près des assauts des vagues. Le promoteur, à l’époque, a fait faillite et n’a pu finir son projet. Il envisageait initialement la construction de 14 immeubles.
Toute la zone du front de mer soulacaise a été aménagée : route, parking… casino, musée et palais des congrès inaugurés en 1970.
Causée par l’évolution du climat, l’érosion du littoral est inéluctable. Mais ce sont nos actions, et notamment l’urbanisation, qui accélèrent son processus. Les plages de sable fin naturelles ne seront peut-être plus qu’un jour un doux souvenir. (Le documentaire de Denis Delestrac Le sable : enquête sur une disparition explique bien les mécanismes en jeu ; voici un résumé.)
Soulac aujourd’hui et dans les années 50-60
Soulac a-t-elle la destinée d’une Atlantide ?
Au 18ème siècle, l’avancée des dunes provoque l’ensablement de ses habitations et il faut reconstruire un autre village plus loin.
La basilique disparaît sous le sable et n’est dégagée qu’un siècle plus tard. La basilique s’appelle Notre-Dame de la fin des Terres. Elle donne alors à Soulac sa devise : ex arena rediviva surgit (« des sables, elle surgit et revit »).
Bonjour,
Soulacais de coeur et par lien familial depuis plus de 4 décennies, il y a beaucoup à raconter sur d’autant de souvenirs heureux dans ce cadre que nous croyions, ou voulions, « éternel »,
Un petit coin de paradis qui, à mon sens, a un peu perdu de son âme en raison de l’affluence touristique estivale: j’en veux pour preuve l’évolution de la rue de la plage (nature des commerces, constructions à l’abandon), mais qui résiste encore bien par son charme fait de villas toutes différentes aussi bien par leur allure que par leur histoire.
Celle qui fut la propriété de mes grands-parents ne se remarque pas forcément beaucoup, mais 44 années de vacances idéales sont nées ici.
Nous y venions par bateau tout d’abord, traversant l’estuaire à bord de transbordeurs qui avaient pour patronymes le « Cote d’argent », « la Gironde »(1ère du nom, de 1964 à 2008), « Le Médocain », et « le Verdon ».
Ils se sont retirés sans faire de bruit, laissant la place à de plus modernes navettes, mais à ceux qui savent encore regarder, leur silhouette spectrale continue à jamais de sillonner les lieux;
Du moins c’est ce que je suis persuadé d’encore distinguer en 2017;
On se rendait à la plage à pieds, tout droit depuis la maison, traversant ce qui fut et continue d’être, un grand sujet de discussion, cet immense boulevard désert et large, prévu initialement pour desservir l’accès au projet immobilier qui ne vut le jour qu’à travers sa manifestation le plus discutée: le « Signal »;
Les soulacais ne l’ont pas aimé, ce Signal, et c’est vrai qu’il a toujours détonné dans cet univers de tuiles, de bois et de briquettes, même hétérogène,
Comme une boîte de béton sans âme posée n’importe comment, à l’aplomb d’une corniche façon balcon sur l’océan, si loin à l’époque…
Pas aimé mais accompagné pourtant, nous qui passions non loin de son pignon sud afin de nous abandonner pour quelques heures sur le sable (très) chaud ou glisser avec les vagues,
Le parking attenant était régulièrement fréquenté en été, d’immatriculation hétéroclites, de l’étranger, de France, un joli brassage et combien de moments de bonheur derrière chaque porte;
Aujourd’hui il cristallise plus que jamais les tensions, en devenant par le fait de notre propre négligence, un navire en perdition, désolé et bien lugubre le soir lorsqu’il vient au promeneur l’idée de longer cette longue artère de bitume à l’éclairage presque inutile depuis 1967.
Curieux paradoxe d’une haine à son endroit qui en le martyrisant davantage le rend de plus en plus laid et indésirable;
Sa démolition espérée par certains, acceptée contraints et forcés par ceux qui se sont épuisé dans un combat perdu d’avance, n’en finit plus d’être moquée par la mer qui s’en rapproche tout en faisant durer l’attente, rongeant aussi les nerfs…
Et les dégradations de se multiplier, faisant redouter en effet qu’un jour ce désormais fragile combat entre béton et océan finisse mal,
Un autre combat que l’Homme n’a pas voulu voir vain, aveuglé par cette volonté d’expansion et de toute puissance technique,
Mais, je l’imagine, un bâtiment où il faisait sûrement bon vivre et grâce auquel d’autres enfants que moi ont passé de merveilleux moments à Soulac-sur-Mer.
Un appel que j’entends toujours chaque été, même pour quelques trop rares journées, et que j’ai garde de ne jamais négliger, tant que mes forces me le permettront.
Merci à ce blog d’avoir joliment et sobrement illustré mon petit coin de paradis.
A mon cher Papa, à sa mémoire liée à jamais à ce lieu.
Nicolas C.
@Nicolas C. > Merci de ce témoignage vibrant et touchant ! On sent fort que Soulac a été façonnée de tous ces souvenirs quand on s’y balade.
Bravo pour vos images.
On vous a cités sur notre site, dans le Journal d’aujourd’hui, 14 août 2018.
Merci bien ☺️ Je vais vous lire de ce pas !