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  • 4 Juil 2018
    par Magali

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Avoir une passion : de l’erreur 💔 à l’étincelle ✨

Lecture ? Musique ? Scrapbooking ? C'est quoi ton truc à toi ? Et faut-il forcément un truc à soi ? La passion est destructrice. J'en ai été convaincue…

Avoir une passion

Ma première passion a été la gym. Et ça c’est mal fini.

Je ne sais pas d’où c’est venu. Peut-être une compétition à la télé ? A 7 ans, j’ai déclaré : « je veux faire de la gym ».

Quand on dit gym, 90% des gens pensent à la gymnastique rythmique. Fille = grâce, souplesse et légèreté. Gym = truc joli avec accessoires. Mon père m’a amené à un cours d’essai avec ballons et cerceaux. Pendant une heure, j’ai marché en file indienne avec des inconnues très grâcieuses, en ondulant des rubans. La question à la fin « ça t’a plû ? » m’a prise de court. J’ai répondu oui parce que c’était ce qu’on attendait que je réponde. Mon père a fait un chèque. J’étais inscrite.

Je me suis torturée avant de dénouer le malentendu. Comment dire aux adultes que j’ai dit oui parce que je voulais leur faire plaisir, que j’ai eu peur de dire non, que ce n’est pas ce que je veux vraiment faire. J’allais sûrement créer un problème diplomatique d’envergure internationale (au moins). Ma passion m’attendait. J’ai pris mon courage à deux mains. Dix jours plus tard, je commençais la gym artistique.

Quatre heures par semaine. Quatre agrès. Sol, poutre, barres, cheval. Je voulais courir, bondir, rebondir. J’adorais grimper dans les arbres. C’est ce qu’il me fallait. La grâce, juste pour gagner des points en plus. C’était le dépassement qui m’intéressait.

J’aimais l’énergie de ce sport, sa beauté. J’étais passionnée. Je m’amusais. J’adorais ça. Je passais des heures entières à travailler ma souplesse. Je l’aurai, ce grand écart. Les entraîneurs m’appuyaient sur le dos pour que je plie plus vite. Allez-y. C’est normal, non ? Je ne bronchais pas.

🤸🏻‍♀️

Comment ça s’est mal fini

La compétition est entrée en jeu.

Au début, c’était un folklore. Une kermesse où tout le monde se réunissait pour passer un bon moment. On était déguisées aux couleurs de notre club, blanc-vert-violet, avec des justaucorps châtoyants. On avait une médaille à la fin, mieux que celles en chocolat parce qu’elle ne fondait pas. Pour le sol, on choisissait notre musique à enregistrer sur une cassette. C’était phénoménal. Je pourrais encore faire l’enchaînement que j’avais sur le beat synthé du Flic de Beverly Hills (en version vidéo gag je-mets-les-pieds-dans-le-tapis).

Tout ça m’enthousiasmait intérieurement. J’étais imperméable à l’esprit de la compétition. Peu à peu, les émotions des autres m’ont encerclée. J’observais. Sans pouvoir mettre les mots sur tout ça.

Je trouvais étrange de voir des filles qui avaient débuté à 5 ans me dire que la gym, c’était leur vie, qu’elles devaient être LES meilleures. Elles étaient extatiques en montant sur le podium. Au-dessus des autres. Face aux adultes qui applaudissaient tous en coeur. Tant que je les regardais d’en bas, tout allait bien. Quand j’ai commencé à me rapprocher du podium, j’ai palpé l’envie, la jalousie. « Oh tu as trop de chance, tu as été sélectionnée, toi. J’aimerais tellement être à ta place. »

un soir de compétition

« Tu es troisième. » Ah merci 🙂

« Tu devrais être mieux classée, Machine a été rude sur sa note. 😡 Comme tu es dans son club, elle ne voulait pas qu’on l’accuse de favoritisme. »

Accuser, vraiment ? Euh… devrais-je être en colère ? 😕

Ma chance à moi, c’était de tout voir comme de la chance. Je n’avais pas de revendication. Mais personne ne calmait les enjeux. Personne ne nous disait : l’important, c’est d’aimer ce que vous faites, de prendre plaisir à pratiquer, de dépasser vos propres limites, à vous, et juste ça. La segmentation et la compétition infusaient notre pratique. On avait moins de dix ans.

Drama 💔

Un été, j’ai lu l’histoire d’une ado brisée par ce sport. Sacrifices, fatigue, blessures, drogue. Sa passion l’avait anéantie. Ce drama m’avait écoeurée. Je revois le rayon dans lequel je l’ai reposé. Sidérée. A la rentrée, un nouvel entraîneur nous attendait.

Un fou de la rigueur. Un psychopathe assoiffé par le besoin irrépressible de faire vivre des expériences traumatiques à ses victimes. Il était peut-être simplement jusqu’au-boutiste et passionné. Mais c’est comme ça que j’ai écrit l’histoire dans ma tête. Je me demande aujourd’hui comment un homme avec une telle approche pouvait être en charge de jeunes filles malléables au seuil de leur adolescence.

Quand on faisait une erreur dans un enchaînement, il fallait faire 10 abdos. Avec ce système, les « moins bonnes » se retrouvaient avec des punitions de 200 abdos infinissables et passaient l’entraînement à l’écart, la mine déconfite. L’entraîneur continuait de travailler avec les « meilleures », sous leurs yeux éteints. Il aurait eu un rôle parfait de mâle démoniaque dans The Handmaid’s Tale.

L’entente entre nous était bizarrement pas si mauvaise. Mais ça donnait envie de rester très très nulle pour rester toutes unies au chaud dans un coin. L’ambiance était érodée. Il n’y avait plus d’amusement, de légèreté, d’ambiance bon enfant, de « juste pour le plaisir ». Alors j’ai craqué.

J’ai rompu. Ce n’est pas toi, c’est moi. Je suis devenue allergique à la magnésie. C’était en partie vrai. J’étais surtout devenue allergique à l’entraîneur. Je n’ai plus jamais remis les pieds au club. La rupture a été dure. La gym était rentrée dans ma vie.

J’avais vécu ma passion intensément. Jusqu’à ce que je lâche brusquement. C’en était fini. J’avais mon drama à moi.

« Tu fais du sport ? », me demande plus tard un médecin. « De la gym, mais j’ai arrêté. » « Pourquoi ? » Son ton culpabilisant résonne dans la pièce. Je m’effondre en larmes 😭 Incapable de lui expliquer pourquoi. J’étais allergique à la magnésie.


Sans passion fixe

🤨

Pendant très longtemps, j’ai eu du mal à entreprendre une activité sans me sentir découragée. Je me disais dès le début que j’allais forcément abandonner. Je multipliais les excuses pour ne pas donner de temps à mes domaines d’intérêt.

Toute passion était devenue douteuse à mes yeux. Enfermante, aliénante, vouée à l’abandon ou l’échec. Un truc que tu aimes mais qui ne (te) réussit pas. Un truc qu’il vaut mieux ne pas avoir dans sa vie, c’est plus sain.

Je papillonnais « juste pour le plaisir ». Ca me faisait du bien. Comme je n’étais plus engagée à une activité, je testais plein de sports différents : l’équitation, la voile, le tennis, la danse, la zumba… Je ne cherchais jamais à être la meilleure. Je ne cherchais jamais à devenir incollable. Je cherchais une seule chose :

le plaisir

J’étais libérée de toute contrainte.

A 25 ans, j’ai pensé refaire de la gym. J’ai renoncé par peur d’être encore déçue. C’était idiot et impossible, je me suis dit. Ce sport est impitoyable pour toute femme passée l’âge de 17 ans. Ton corps devient un truc pataud, lourd, fragile et rouillé qui doit partir à la casse. C’est bizarre, pourtant, il n’oublie pas. Dedans, une fille avec des couettes fait toujours des lunes au cheval, des soleils à la barre supérieure – reste bien gainée, garde ton équilibre ; attention à la réception, très importante ; salut final, tendu jusqu’au bout des doigts, menton levé ; c’est bon, tu peux respirer.

source : giphy


La flamme est revenue

Avec le temps, d’autres « intérêts » se sont présentés, comme le blogging et la photographie. Et puis je les ai transformés en « un peu plus que ça ». En passion*, on dirait.

* A-t-on le bon mot en français ? Je trouve ça réducteur de parler de loisir, encore plus de passe-temps. De présenter quelque chose qu’on aime faire parce que ça apporte de la joie intérieure, comme un truc qu’on fait quand on s’ennuie, ou qu’on n’a pas mieux à faire.

J’hésite parfois à utiliser ce mot. Est-ce qu’il fait peur ? Est-ce qu’il est trop ? Trop engageant ? Trop extrême ? Est-ce que j’ai été marquée par cette expérience ? La passion est une inclination vive pour quelque chose, me dit mon dico. C’est pas si compromettant, ni terrifiant.

Ces activités m’enthousiasment, me mettent en joie. Si j’écoute mon coeur, oui ce sont bien des passions. L’inclination est là. L’envie d’aller vers l’avant, plus loin, de vivre des choses enrichissantes et positives.

Je la croyais éteinte, elle était restée en moi. L’étincelle. Celle de la fille en lycra. J’ai besoin d’elle dans ma vie, et j’ai compris ses conditions pour briller :

  • suivre mes envies,
  • me faire plaisir sans pression,
  • fixer mes propres règles,
  • faire tout sans jugement.

Sans plaisir, pas de passion. Et pour avoir une passion, il faut placer le plaisir au coeur de tout.

J’ai compris qu’une passion peut être saine. Il faut trouver l’équilibre respect / bienveillance / patience / ouverture. Suivre son coeur à soi. A partir de là, tout va bien.


✨ Ma vision de la passion aujourd’hui :

Et toi, as-tu eu une expérience similaire dans ta vie ? As-tu une passion ? Penses-tu qu’il faut en avoir une dans sa vie ? Ou pas ?

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2 réactions
  1. Ton récit est très touchant! Et pose plein de questions quand on est parent… comment accompagner son enfant à s’exprimer dans la joie sans devenir ni traumatisant, ni laxiste?
    L’allergie à la magnésie est caractéristique, le truc devient insupportable et ton corps dit stop!

    • Merci Anne ! Oui, je suis totalement d’accord. Et aussi : comment l’accompagner pour qu’il ou elle apprécie la réalisation de soi et le plaisir de faire, dans une société où on est très axé sur la comparaison avec les autres. J’ai l’impression que ça commence dès le berceau !