L’atelier d’écriture
“Je ne peux pas m’en empêcher.” Je croque des cookies et j’aspire du Cherry Coke en regardant un truc idiot à la télé, il est vingt-deux heures et je ne peux plus m’arrêter. J’ai la douce culpabilité des plaisirs vains, tranquilles, hyper glycémiques et non productifs. J’ai abandonné l’écriture. Je ne deviendrai pas écrivain, à quoi bon. Je me lénifie, j’anesthésie mon rêve, lentement, doucement, ma main sur son flanc. Une dernière respiration et il s’endort dans la nuit. Mon rêve…
J’ai longtemps eu une relation enflammée avec l’écriture, faite d’envolées et d’abandons, de déclarations et de délaissements. Une relation par à coups, par surgissements et disparitions. Je m’épanchais, je m’évanouissais, je jouais la comédie mais pas le jeu. Je ne finissais pas les histoires commencées, je corrigeais à peine les brouillons, à quoi bon.
J’ai mis du temps à comprendre.
J’ai mis du temps à identifier les fausses explications, les leurres, les tromperies. J’ai mis du temps à m’engager, à savoir où puiser le courage, où trouver les encouragements. Comme dans les téléfilms de M6, en protagoniste de notre vie, on ne voit pas les ficelles qui guident notre histoire. L’évidence ne foudroie qu’après coup. Oui bien-sûr.
Tout est clair, maintenant. J’ai remisé les visions déçues, les soleils éteints, les mirages. J’ai trouvé mon remède pour plume démotivée, et me consacre à une évolution lente sur le papier.
Ce remède, il est simple, super simple, tellement simple que mon cheminement compliqué pour le trouver me sidère. Ce remède, c’est de se concentrer sur l’essentiel. Et l’essentiel, c’est d’écrire. L’essentiel, c’est l’exercice, l’engagement répété.
Il faut écrire.
C’est tout.
Maintenant, je fais sonner mon coeur un peu tous les jours, je ne le fais plus bondir tous les trois mois — il retombe de trop haut après. J’essaie d’écrire tous les jours.
J’ai envie d’écrire et cette envie bout dans mon estomac. Comment cette affinité est née, comment elle s’est affirmée, c’est un mystère que je résous via l’écriture justement. Je suis le fil du temps, j’inspecte les traces, je note les indices. Dans les plis et replis de mon enfance et de mon adolescence, dans les coutures des décennies qui s’empilent. Il me semble soluble, ce mystère. Les indices sont là, dans mon histoire ; je les collecte un à un, sans gants, sans scellés. Heureusement il n’y a pas eu crime, pas encore. 😅
Dès que j’écris sur moi, j’écris sur l’écrit. C’est une marche en rang, deux par deux, main dans la main.
Quand je me suis mise à écrire tous les jours pour moi il y a deux ans, je n’avais pas de plan, je suivais mon intuition, mon inspiration du matin, la première pensée, le premier souffle. Les souvenirs sont remontés un à un. Ils se sont mis à flotter à la surface, j’écumais l’eau, les recueillais. Ma mémoire faisait du goutte-à-goutte, avec les lentilles, les fleurs de nénuphars. Je prenais des notes dans mon journal de bord.
A la longue mes observations ont révélé un schéma : je me suis liée à l’écriture, et mon histoire s’est liée à elle. A ces premiers bâtons tremblants et hésitants, M A G A L I, à ces heures patientes à enrouler et dérouler mon stylo pour dessiner les majuscules comme des enluminures, à mes collections de papiers à lettres fleuris, de petits carnets colorés, de cahiers aux pages brunes, à spirales, cousus ou collés, à ces customisations d’agendas dans lesquels je collais des pubs de parfums, à ces gribouillis, à ces mots de copines sans queue ni tête, à ces entames de journaux intimes, “Chère Magda”, “Chère Merry”, à ces cartes postales rédigées l’été comme des télégrammes « tout va bien, bisous », à ces lettres dédiées aux fantômes qui tourneboulent mon coeur, à ces synopsis de romans dans des cahiers de brouillons, à ces pages décousues, à ces histoires échafaudées, échevelées, à ces récits tapés à l’ordinateur et mis en page “comme si c’était un vrai livre”, à ce blog.
L’écriture accompagne ma vie, ses interrogations, ses points de suspension. En les écrivant, j’essaie de digérer les évènements de ma vie, de les décortiquer, de m’en défaire, de délier les émotions sur le papier ou à l’écran.
Je suis fascinée par les lettres, les mouvements du stylo, ses tracés, les caractères, les accents, les syllabes, les phrases, les mots, les rimes, les médiums de l’écrit, les typographies, les articulations de la pensée, comment le tout s’imbrique pour former un labyrinthe, une devinette, un récit, une énigme, le langage du monde.
🎥 Parenthèse-vidéo
Tu écris, toi ? Pourquoi ?
L’écriture est plus qu’une compétence, c’est une force. Celle d’articuler nos pensées, de les exprimer, de les véhiculer, de les faire sortir, de les propulser là, plus loin, de les partager. Celle de méditer, d’imaginer, d’inventer, de créer d’autres mondes, de leur donner vie. L’écriture, c’est exercer son droit à l’expression, à la mémoire, à l’imaginaire, c’est le revendiquer. C’est poser une empreinte, affirmer son identité.
On dit ce qu’on veut dire, on dit ce qu’on a dire, on n’a pas besoin d’attendre que quelqu’un nous écoute, ni de gagner son attention. Cette attention, on peut l’obtenir avec l’écrit a posteriori. L’écrit nous donne la force de le faire.
Dans mes bulletins scolaires, il était souvent marqué : “devrait s’exprimer plus à l’oral”. J’ai appris à me taire plus qu’à m’exprimer, j’ai appris à obéir, à faire ce qu’on me dit, à suivre les consignes — question d’origine, d’éducation, de genre. Il ne faut pas mettre les pieds dans le plat, dire les secrets, les tabous, raconter les choses qui font mal, poser des questions dont les réponses ne sont pas évidentes. Il vaut mieux se taire que sortir du rang ou s’exposer. Avec l’écrit je compensais, je disais les remous en gardant la surface tranquille.
L’écriture m’a donné un espace pour m’exprimer. Elle me l’a donné sans que j’ai besoin de me battre pour l’acquérir, de le revendiquer. Certains dansent, peignent, chantent, courent. Moi j’ai besoin d’une page blanche et tout peut commencer.
J’ai trouvé un refuge dans les lignes des livres, les pages quadrillées, les fils blancs des journaux. Je n’avais pas à affronter le regard de l’autre, à sentir la pression de faire sortir des mots, de convaincre dans l’instant. Ecrire donne le temps de mâcher ses mots, de mûrir ses idées, d’approfondir, de creuser, de chercher. On peut vociférer, chuchoter, bégayer, personne n’en prendra ombrage, pas directement.
Aussi libre me permet-elle d’être, l’écriture me joue des tours. Elle est âpre, dure, fastidieuse. Quand j’écris, la partie n’est jamais gagnée d’avance. Mon cerveau s’enraye, se bloque, il turbine si vite que je ne parviens à capturer ma pensée ou si mal que je n’arrive pas à mettre le mot juste sur ce que je veux dire. Tout se court-circuite.
“On t’a pas appris qu’il faut faire des plans pour écrire ?”, me demande une de mes responsables sur un projet éditorial. Si, mais… Ecrire, c’est découdre — et c’est en découdre avec les règles. C’est trouver sa façon de faire. Les règles qu’on nous donne à l’école ne sont pas toujours celles qu’il faut suivre.
J’écris sans plan. Et c’est comme ça que j’écris le mieux. Un plan ne donne pas de rythme, de flot, d’énergie. Pour moi, l’écriture est organique. Je plante mes idées, elles grandissent à la lumière, sans tuteur, sous une plume mutine. J’aime évoluer dans un univers qui favorise les énergies, le plaisir, une sensation de liberté, sans astreinte ni discipline rigide.
J’apprends tous les jours à écrire. Je réapprends en permanence. Je ne connais pas mon style. Je cherche ma voix, je lutte avec les ponctuations, je dois vérifier les définitions, les orthographes, les règles de grammaire et de syntaxe. J’écris, je réécris, je re-réécris, je re-re-réécris, c’est sans fin.
Peut-être que plus tard, quelque chose d’autre me sidèrera dans mon cheminement. Pour l’instant, je ne me pose plus de questions. J’écris. J’écris pour moi, pour toi, pour ma chaîne YouTube, pour ce blog.
Mon atelier d’écriture affiche OUVERT et je suis au comptoir. Dedans, je bidouille, j’esquisse, j’échafaude, j’établis des prototypes, certaines choses partent à la casse (ou sont recyclées), d’autres sont augmentées, améliorées, mon savoir-faire s’étoffe à petits pas.
Dernier prototype en date : une missive pour te booster dans tes projets créatif. J’espère qu’elle te plaira… C’est la lettre créative.
Magnifique Magali ! C’est toujours un bonheur de te suivre dans tes pérégrinations créatives. Et ça donne envie 🙂 Que de talents ! Merci et bravo !
Quel plaisir de lire ce bel article sur l’écriture impulsive ! On ressent ton inspiration 🙂 merci pour ces beaux mots !
Je te découvre et j’aime. Tu écris vraiment bien. Je partage ton avis sur les plans d’écriture. C’est ce qui donne à ton style cet élan au-delà des belles tournures de phrases. Je me suis inscrite à ta lettre et donc à bientôt.