Dans quel pays rêveriez-vous d’habiter ? En troisième, ma prof de français avait lancé ce sondage à main levée dans la classe. Première destination adoubée : les Etats-Unis. Moi, j’avais voté le Canada. 15 ans plus tard, je me retrouve à l’Ambassade américaine. Un peu malgré moi. Le début d’une vraie aventure.
Revenons trois ans en arrière… Certains rêvent assidûment de partir aux States. D’autres font le choix de s’expatrier en se disant : y en a marre de la France, on se fait la malle ! Moi l’opportunité m’est tombée dessus. Parmi toutes les raisons qui m’ont amenées aux USA, il y a :
C’est ainsi que tout a commencé. J’ai démissionné de mon job à Paris, on a vidé tout notre appart, stocké toute notre vie en cartons bien rangés dans un garage et dit au revoir à nos familles et amis. Il nous restait quatre valises.
Je partais vivre dans un pays dans lequel je n’avais jamais mis les pieds, et dont ma connaissance se limitait principalement au filtre de la télévision. Quand on a débarqué à San Francisco, puis à Santa Cruz, j’ai eu un sentiment d’étrangeté énorme.
Pas celui que l’on vit en vacances, loin de toutes contraintes, l’esprit libre et stimulé par l’effet de déconnexion. Non, celui que l’on vit quand on a plaqué une vie plutôt sympa en France et qu’on réalise qu’il va falloir s’atteler à plein de trucs dont on ne maîtrise absolument pas les règles – tout ceci en langue étrangère. Le vrai choc culturel.
(ci-contre notre 1er trajet sur la Highway 1, complètement jet lagués et hallucinés)
Le lendemain, Trublion commençait son travail. On était super tôt au Starbucks et je me cachais derrière lui (juste, parce qu’il est très très grand, hein). Moi je rentrais dans une maison victorienne comme je n’en avais jamais vue. Coincée entre nos 4 valises, dans notre toute petite chambre, je m’emparais des toutes petites missions de trouver un appart / demander une autorisation de travail aux services de l’immigration / chercher un travail.
Je m’étais imaginée arriver en Californie pour profiter du soleil de manière détendue, courir sur la plage le matin comme dans un soap opera et boire des smoothies en me faisant des copines. Mon American dream à moi, quoi. A la place de cela, je regardais les gens se balader dans la rue, complètement hallucinée, comme si j’avais intégré un jeu vidéo à force d’y jouer (genre GTA San Andreas). Je me retrouvais à gérer tout un tas de trucs compliqués avec une sensation de décalage pas toujours confortable.
Tout ceci est dérisoire quand on y pense. Mais sur le moment, tout est plutôt intense. C’est comme si j’avais vécu ma mini-légende à moi de l’immigré américain. Celle où tu fais gaffe à ne pas perdre tes papiers car d’après une légende urbaine, tu peux aller en prison si tu te fais contrôler sans, celle où tu te retrouves au fond d’un hangar d’une zone commerciale perdue pour aller faire enregistrer tes données biométriques, celle où les gens ne te comprennent pas quand tu parles malgré tous tes efforts surhumains. Une histoire banale, finalement… comme des milliards d’autres en Amérique !
On dit qu’il faut 6 mois pour prendre de nouvelles habitudes. Il nous aura fallu plus de 6 mois pour nous adapter vraiment à notre nouvelle vie, que tout soit « set up », et qu’on se pose tranquillement dans une chaise avec un sentiment de satisfaction. Après ça, tout est allé mieux.
➜ Notre bilan au bout de 6 mois aux USA (ça parle pas mal organisation, paperasse et autre truc à donner des boutons)
Doucement, on s’est laissés glisser dans une nouvelle vie à la cool. Les couchers de soleil sur l’océan ou de la fenêtre de l’appart, les hang out autour d’un brunch (à 10 heures) ou au bord d’une piscine (un peu comme dans Melrose Place), les petites escapades dans les Santa Cruz Mountains, les virées à vélo le long du Pacifique.
Ca avait beaucoup de bon. Et je me disais régulièrement que les gens du coin avaient énormément de chance de vivre dans cette petite ville paisible de la côte californienne. Pas de métro/boulot/dodo, pas d’overdose de stress. Des gens détendus et souriants.
Ce n’était pas tous les jours comme ça car il y avait des contraintes comme partout ailleurs, le quotidien à vivre et le travail. Et bien-sûr, il y avait aussi l’envers des choses de l’expatriation.
Le lot de tout expatrié. Les proches… loin. Une sensation de ne jamais pouvoir quitter totalement son étiquette d’étranger (là-dessus, les expériences d’expats aux USA ont l’air très différent, peut-être en fonction des endroits – côte Ouest / côte Est / ville cosmopolite ou non, des rencontres et des expériences propres à chacun).
Parfois, le dynamisme de la grande ville nous manquait (il y a 60 000 habitants à Santa Cruz et une vie culturelle pas vraiment trépidante). Mais on essayait de gérer au mieux notre budget pour pouvoir régulièrement faire de belles escapades !
➜ Notre bilan au bout d’1 an aux USA (là, ça parle déjà plus de légèreté !)
Il y encore peu, quelqu’un nous a demandé, l’air amusé : « alors qu’est-ce que vous avez pensé des USA ? ». Il avait l’air de s’attendre à ce qu’on lui réponde des choses négatives (ah ce bon vieux fond d’anti-américanisme à la française !).
Une lueur de surprise et de curiosité est passée sur son visage quand je lui ai répondu que ça avait été une très belle expérience, qu’on avait beaucoup apprécié le contact avec les Américains et que les voyages là-bas nous avaient bluffé. Mais voilà, c’est vrai, j’ai fait de magnifiques découvertes en allant vivre aux US :
Sur la société américaine
Non, les USA ne sont pas peuplés d’obèses illettrés qui conduisent avec un gun dans leur boîte à gant en buvant du Coca. Non, les USA ne sont pas un pays ou tout le monde vit dans un 300 mètres carrés en toute opulence. Et non, les USA ne sont pas un melting pot où tout le monde grandit en ayant sa chance.
Les réalités sont très disparates, d’un état à l’autre, de la ville à la campagne, du littoral à l’arrière-pays. C’est ce qui m’a le plus marquée. Et je n’ai vu que l’Ouest du pays, et vécu là-bas qu’un temps court sur l’échelle d’une vie. La Californie à elle seule est une vraie mosaïque. Mais globalement, je retiens des gens une énergie positive et des côtés cool que j’ai vraiment appréciés.
Sur le pays
Grandiose, puissant et magnifique. En général, je n’ai jamais assez de mots pour décrire les grands espaces de l’Ouest américain qu’on a pu découvrir. On s’est littéralement pris pas mal de claques. Il y a un truc unique dans l’expérience du voyage aux Etats-Unis. Les horizons à perte de vue, les routes qui n’en finissent pas, les déserts sans fin et les canyons sans fond, les immenses forêts sauvages.
Tout est à une échelle qui vous dépasse. Pour avoir appris à aimer la nature dans des champs ou des forêts aux frontières connues et aux bords bien délimités, c’est quelque chose qui m’a littéralement bluffée. On se sent libre et fragile à la fois. C’est vertigineux.
Sur moi-même Une fois lancée dans la recherche d’un travail à Santa Cruz, j’ai été confrontée à une sorte de parcours du combattant. Jusque là, j’avais toujours eu – en continu – des expériences professionnelles très stimulantes, qui m’apportaient réassurance et confort. J’étais donc perdue de ne pas pouvoir retrouver ça, tout de suite.
Avec mon statut de dependent, j’avais l’impression de perdre aussi que ce que j’avais bâti tout au long de ma vie d’adulte : une autonomie qui m’assurait une forme de liberté. Au début, beaucoup de doutes m’ont submergée sur l’incertitude de mon avenir. Ca m’a profondément interrogée sur ma relation au travail, aux autres, etc.
Tout à coup, comme ça, sans le vouloir, je me suis retrouvée expulsée de ma « zone de confort » (merci à ce terme à la mode). J’étais toute nue, là, dans le froid, dehors, je grelottais, et je devais trouver des solutions nouvelles pour me réchauffer.
J’ai commencé à me lancer dans des projets qui me tenaient à coeur : creuser plus l’apprentissage de la photo, faire des formations sur des sujets pros qui me titillaient. Et j’en ai retiré énormément de choses gratifiantes d’un point de vue personnel. Tout à coup, je faisais les choses par passion, et non pas par obligation.
Vivre ça dans un pays où les gens vous encouragent dans vos projets, ça a été extrêmement constructif. L’attitude des personnes que j’ai rencontrées (et le soutien inconditionnel de Trublion) m’ont énormément aidée. La mentalité battante et jusqu’au-boutiste des Américains m’a influencée positivement (même si je crois avoir définitivement trop lu d’articles sur Medium à cette époque-là…).
Après de longs mois de recherche, j’ai trouvé un travail pour une boîte de la Silicon Valley. Ca a été une mini-victoire car la vie d’housewife ne me convenait pas. Le seul hic : c’était un télétravail et mon contrat comportait des clauses de confidentialité qui m’interdisaient de travailler dans tout lieu public. Adieu le co-working ou le travail dans un café qui m’aurait permis de me sociabiliser. J’étais bloquée chez moi.
J’ai dû apprendre la vie de travailleur indépendant : comment s’organiser, créer un rythme et une dynamique, définir des frontières vie perso / vie pro, ne pas se couper du reste du monde. Ca a été un long processus de trouver un équilibre.
Avec le recul, je suis heureuse d’avoir vécu tous ces défis. Je ne pensais pas que tout ça m’attendait en quittant ma vie à Paris, et j’ai même regretté au début de ne pas avoir pu davantage anticipé mes projets sur place. Mais au final je ne suis même pas sûre que ç’aurait été possible : comment préparer des projets dans un endroit qu’on ne connaît pas et où tout est à découvrir ?
En partant vivre aux Etats-Unis, j’ai vraiment pris la mesure de la fascination que les Français gardent pour le pays. Que ce soit via le blog ou in real life.
Comme m’a dit un jour un copain (plein de sagesse) qui a vécu à New York : « c’est hallucinant, quand on s’imagine un policier américain, il a forcément trop la classe. Et puis tu arrives sur place et tu croises un policier* bedonnant qui mange trop de donuts. La réalité n’a rien à voir avec ce qu’on en projette. Mais c’est ça le pouvoir des Etats-Unis. »
On a souvent des preuves que ce n’est pas toujours un pays si fantastique que ça : les inégalités et les ségrégations sont très fortes, les cas de violences meurtrières sont fréquents, les gens n’ont pas de protection sociale et beaucoup vivent dans une grande précarité, un monsieur trop orange pourrait se retrouver à la tête du pays. Et pourtant, cette illusion d’American Dream reste.
Sans doute parce que la magie des grandes villes et des grands espaces continue à opérer. Sans doute aussi parce que le pays étant tellement vaste et multi-facettes, chacun peut y trouver son compte. Sans doute parce que l’état d’esprit des Américains peut avoir un effet rafraîchissant !
Non, l’American dream absolu et idéal n’existe pas. Je n’ai pas vécu d’American dream. Mais j’ai vécu mon rêve à moi : un rêve inattendu, parfois un peu nébuleux, qui m’a permis de faire des découvertes, de creuser certaines réalités du pays, de grandir à ma façon. Et j’en garderai vraiment un très beau souvenir.
Comme je le disais, ça a été laborieux de faire ce bilan. Le bilan final. Ouf, voilà, c’est fait. Je vous ai tout dit (ou presque). Dans un autre épisode, je vous raconterai mon retour en France et ses défis. Stay tuned!
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